La seule originalité que ses compagnons, de jeunes reconnaissent à l’abbé Godin c’est une piété d’ange envers Notre-Dame. Et dès qu’on le fréquentait un peu c’était bien la note qui se manifestait la première.

On remarquait sur sa cheminée – ou l’abbé le faisait remarquer en vantant la délicatesse de l’expression – un buste de la sainte Vierge, ce qui n’a rien d’étonnant dans la maison d’un prêtre ; mais on ne pouvait pas ne pas être surpris par le grand nombre et la variété des images, des gravures, des photographies représentant Notre-Dame, que l’abbé rassemblait pour les mettre dans les éditions successives de ses livres. On savait aussi qu’il préférait la Vierge tenant Jésus-Enfant dans ses bras, dans un geste le plus maternel possible et c’est toujours cette image qu’il mettait sur les livrets de ses récollections en la commentant d’une petite phrase : « Guidez sa main pour qu’Il nous bénisse ».

L’abbé Godin parlait peu de son passé, cependant, il disait quelquefois que ses pèlerinages à Lourdes lorsqu’il était encore au Séminaire et pendant lesquels il avait servi comme brancardier. Lourdes l’avait marqué, il avait la hantise de Lourdes, comme il l’écrivait dans ses notes : la Vierge Marie était alors invoquée par lui sous le titre de Notre-Dame de Lourdes et on trouve dans son album de photographies celle de sa première messe, célébrée à la Grotte le 16 mai 1933. En effet, ordonné prêtre le 15 dans la Chapelle des Carmes à Paris, l’Abbé Godin prenait le train le soir même pour aller saluer celle qu’il appelait sa ˝Maman du ciel˝ et pour mettre son ministère sous sa protection.

Avant même d’entrer au Séminaire, il avait l’habitude de la prier ainsi :

« Vierge de Lourdes, ma bien-aimée, Marie, Reine de mon cœur,

J’ai laissé mon âme aux bords du Gave, devant votre grotte :

Près de vous, elle brûle avec les cierges car elle vous aime ».

Et sans doute, il devait souvent revivre ces heures d’intimité avec la Vierge ; on pouvait remarquer qu’il disait habituellement la messe votive de Notre-Dame chaque fois que les rubriques le permettaient…

Aussi lorsqu’il édita le missel populaire Avec le Christ, l’Abbé Godin y fit une place très large à la Sainte Vierge : il y mit ses fêtes liturgiques, ses principales dévotions et en particulier le Rosaire. Surtout, il voulut faire prier sur de la beauté et il chercha longtemps avant de trouver les illustrations capables de mieux évoquer la Reine du ciel à l’âme du chrétien moderne. A la fin, il choisit les tableaux si lumineux de Maurice Denis, qu’il préféra toujours et d’autres de Laurens, de L. O. Mersen, de Le Chevalier.

Et il glissa dans tout le livre des prières dont le style neuf et direct marquera une époque. Ainsi ses ˝litanies de Notre-Dame de la Famille˝, qui renouvellent un genre :

Notre-Dame de pureté, priez pour nous. Notre-Dame de l’espérance..,

Notre-Dame d’attente…, Notre-Dame de la Nativité, Notre-Dame des bébés rieurs,

Notre-Dame des printemps fleuris, Notre-Dame du Foyer,

Notre-Dame de toutes Joies, Notre-Dame de Tristesse,

Notre-Dame de Consolation, Notre-Dame du Travail,

Notre-Dame du Bel-Amour, priez pour nous.

Et encore :

« Sainte Marie, la maman de tous les hommes saints et pécheurs, priez pour nous ;

Sainte Marie, qui préférez les petites, les humbles et les craintifs, priez pour nous ;

Sainte Marie, Reine du ciel, qui n’avez fait dans votre vie rien d’extraordinaire,

mais dans chaque action avez mis tellement d’amour, priez pour nous ».

Et entre bien d’autres, on peut relire cette prière d’un homme à Notre-Dame,

qui révèle une âme intimement unie à Dieu et à sa Mère :

« C’est de tout mon cœur que je vous dis Bonjour, à vous Notre-Dame.

Je vous salue Marie.

Nous, les hommes, nous devenons si vite des brutes…

C’est écœurant de voir ce que la vie fait de nous… durs… égoïstes…

Et cela m’est si bon de penser à vous, la jeune fille idéale, la femme idéale –

toute belle, toute pure, Toute délicate, toute aimante…

Quand un ange est descendu du ciel (un ange qui voit Dieu)

Il est en admiration devant vous.

Et je vous redis de toute mon âme, ce bonjour.

Marie, pleine de grâce.

Et cela vous rappelle le plus beau jour de votre vie où vous êtes devenue Maman…

Maman de Jésus. C’est le début du plus beau des amours…

Et voilà que votre cœur bat de joie… et voilà que vous souriez…

Vous êtes bénie entre toutes les femmes.

Quel autre beau jour je viens de vous rappeler, votre visite chez votre cousine avec Jésus.

Sainte Marie, priez pour nous.

Souvenez-vous de tous ceux qui, à travers les siècles,

Vous ont adressé cette supplication dans tous les temps.

Les petits enfants, les premiers communiants, les fiancés l’un près de l’autre,

Je vous redis cette prière avec eux.

Je vous salue, Marie… »

M. l’abbé Daniel, de la mission de Paris (Témoignages sur l’Abbé Godin, les Editions ouvrières)