La « journée inoubliable » du pape François a été unanimement saluée. De fait, l’accueil de Marseille et de la France, la foule joyeuse, la ferveur, le recueillement et l’enthousiasme à la messe, les propos forts du Saint Père, visiblement heureux de son séjour pour ces rencontres méditerranéennes, tout a contribué à cette visite inoubliable, suivant les mots justes du Cardinal Aveline, l’archevêque de Marseille. En effet, « ce n’était pas gagné », comme on dit simplement. Certes, tout était bien en place : le programme dense et une préparation parfaite, mais on attendait le pape. Bien sûr joyeusement, car la dernière visite papale remontait à 2008 avec le pape Benoit à Paris et Lourdes. Mais on l’attendait aussi pour les propos qu’il allait tenir et comment il allait s’adresser à la France. Et, la réponse vint dans les premiers mots à la messe : « Bonjour, Marseille ! Bonjour la France !», salutations inattendues qui ont suscité les vifs applaudissements des 60.000 fidèles. Et ce salut venait après le pèlerinage de la veille à ND de la Garde avec la méditation devant les le mémorial des marins et migrants disparus en mer. Puis, après la matinée au Pharo pour la clôture des rencontres des délégués de tous les pays autour de la Méditerranée.

Nous, évêques de France, avons vécu ces instants, émerveillés. La présence des 70 jeunes des pays concernés, accompagnés par les évêques de la région donnaient le sens de cette visite papale. A travers eux, c’était les pays de la région qu’il rencontrait. Aussi, lorsque le pape est entré au Pharo, les jeunes dans le style JMJ ont donné le ton en acclamant spontanément « Papa Francesco ». Joie de ces jeunes conscients de représenter leurs pays et ayant réfléchi pendant la semaine à
différents thèmes concernant la région riche de son histoire et parfois inquiète pour l’avenir. Et le message qu’apportait le pape était tout simplement celui de l’Evangile et celui de l’espérance.

Oui, ces rencontres furent de beaux moments de fraternité et de communion.

J’en ai été le témoin heureux lors de la soirée du vendredi avec des centaines d’invités autour de la cathédrale de la Major, où se tenait un Festival avec toutes les associations caritatives. Présence de nombreux bénévoles venus de toute la France avec ceux qui, comme nous, venions découvrir.

Bonheur d’un diner avec trois français de l’association Lazare, François, Didier Laurent ainsi que quatre jeunes
ayant participé à ces journées : deux jeunes de Bosnie Antonio franciscain et Amina musulmane, Paolo de Géorgie, Laura de Barcelone.

Dans la beauté de ce lieu et la qualité de ce diner offert par les restaurants de Marseille, nous avons vécu un moment de communion, avec la richesse de nos échanges. Illustration en actes de « Fratelli Tutti », l’encyclique du pape sur l’amitié sociale.

Au même moment, le Saint-Père était à Notre-Dame de la Garde pour deux rencontres. A l’intérieur de la basilique avec le clergé, temps de prière, mentionnant les saints venus en ce lieu : Thérèse de Lisieux, Charles de Foucauld et Jean-Paul II, et en retraçant l’histoire du pèlerinage populaire à « la Bonne Mère ». Il a aussi invité prêtres et consacrés à la proximité, la compassion et la tendresse en rappelant que de nombreux missionnaires sont partis de ce haut-lieu pour annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ au monde entier. Puis, à l’extérieur, ce fut le moment de recueillement avec les responsables de différentes religions au mémorial dédié aux marins et migrants disparus en mer. Emotion pour les participants en voyant « la mer, source de vie, mais aussi lieu qui évoque la tragédie des naufrages ». La mer magnifique est devenue « un immense cimetière », en référence aux milliers de migrants engloutis. « Tragédies des naufrages provoqués par les trafics odieux et le fanatisme de l’indifférence » avec l’appel pour affronter les problèmes, et à ne pas laisser sombrer l’espérance pour « composer ensemble une mosaïque de paix. » Et ce fut ainsi la communion de tous les participants avec le pape en cette ville où est née « Marseille Espérance », instance de dialogue interreligieux pour promouvoir la fraternité.

Puis ce fut la grande journée de communion du samedi. Le matin, la rencontre au Pharo. Une remarquable présentation en images nous introduisait dans l’histoire et la géographie de cette région autour de la Méditerranée. Plusieurs interventions avant l’arrivée du Pape et du Président de la République. Accueil chaleureux de Mgr Aveline, soulignant la présence de la France par les autorités et les évêques du pays. Et le discours attendu du pape. Dans un texte fort, François a pris trois thèmes : la mer, le port et le phare. Cette longue réflexion commençait d’abord par une rétrospective sur cette ville unique, où, malgré les difficultés, la convivialité est possible. Plusieurs expressions sur le même thème : « laboratoire de paix », « miroir
du monde qui porte en elle une vocation mondiale à la fraternité », invitation « à accueillir et à intégrer ceux qui viennent d’ailleurs ». Puis, le pape exprime sa douleur : la mare nostrum s’est transformée en mare mortuum.s.

Riche discours concluant avec un appel pour « être une mer de bien pour faire face aux pauvretés d’aujourd’hui », « un port accueillant pour embrasser ceux qui cherchent un avenir meilleur » et « un phare de paix par la culture de la rencontre ».

Au terme, la standing ovation des 500 personnes saluant ainsi cette longue réflexion. Enfin, une jeune libanaise interprète en arabe un chant en l’honneur de la Vierge Marie qui émeut l’assistance.

Dans l’après-midi, le grand moment de communion avec l’Eucharistie dans le stade transformé en église. Le lieu se prêtait parfaitement pour la messe du pape François en France ! Apothéose de cette visite papale. Podium grandiose pour accueillir le pape et les 150 évêques. A droite une chorale de 800 personnes. A gauche, les centaines de prêtres, dont de nombreux originaires de pays d’Afrique. Joie et enthousiasme lors de l’animation précédant la célébration avec les fidèles venus de Marseille et de la région.

Lors de la procession, j’accompagne Mgr Pontier, l’archevêque émérite de Marseille, salué chaleureusement par ses anciens diocésains. Au même moment, François dans la papamobile avance sur l’avenue du Prado et, à son entrée, il est acclamé joyeusement. Contraste entre l’enthousiasme et le silence conduisant au recueillement pour cette messe en l’honneur de la Vierge Marie, avec l’Evangile de la Visitation.

Dans l’homélie, le pape commente un mot de cet Evangile, tressaillement. Que le tressaillement de
l’enfant dans le sein d’Elisabeth soit aussi le nôtre. Et, s‘adressant ainsi aux catholiques français, le
pape rappelle notre « riche histoire de sainteté, de culture, d’artistes et de penseurs qui ont
passionné tant de générations. » Et parmi ces penseurs, Paul Claudel qui a écrit l’admirable prière àla Vierge à midi. Superbe conclusion de cet ultime message du pape dans une intense communion du peuple rassemblé pour cette Eucharistie. Communion au Christ et Communion en Eglise autour du successeur de Pierre. Une visite qui restera dans l’histoire de Marseille et de la France !
+ Jean-Yves Riocreux